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C'était l'été...

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Je recherchais un article pour mon mémoire dans mes archives quand je suis tombée sur un papier  dans lequel j’avais écrit, j’en ai plein d’ailleurs, je m’amuse tant quand je les trouve après un bout de temps, ça me file une impression de déjà vu, certainement puisque je l’avais vécu, mais ça me revient doucement comme un rêve récurent, par moment je revis les mêmes sensations, le climat, les sons, les vues, des pièces de puzzle d’une image déjà vue entière, c’était un jour d’été, ce même dernier été (déjà fini !!), un brouillon ;

 

Heureusement j’ai trouvé ce stylo dans mon sac, parce qu’on n’en vend pas  dans cette gare du sud (la gard –pour bus qui mènent aux villes qui se trouvent sud de Tunis), j’ai pris mon ticket pour rejoindre mes amies à Soliman, et je dois attendre vingt minutes, quelle poisse ! je veux rattraper le soleil, une baignade imprévue, c’est 16 heures déjà, bon j’attend rien à faire, je m’assoie sur un banc, j’ai pris soin de vérifier qu’il y a personne pour me le partager (égoïste ! non, j’évite les dragueurs), j’ai rien à lire, oh que si, un grand livre, les gens qui passent, et j’observe, inquiète bizarrement de tomber sur un visage familier, inquiète de paraître familière pour l’un d’entre eux, j’ai envie d’être inconnue, je suis inconnue déjà, et même bien cachée derrière mes lunettes qui dévorent la moitié de mon visage et mon chapeau aux larges bords fanés qui me donne l’air d’une espionne de la seconde guerre, juste en face une femme à la soixantaine ( je me crève les yeux pour deviner l’âge relative d’une personne), elle porte un foulard noué à la tunisienne, trois gros sacs, un long voyage, à côté deux hommes typiques je dirais, bermudas, mocassins, visages atones bronzés, on en voit partout, un soldat en uniforme verte, maigre presque affamé, y’a plus de bouffes aux casernes ou quoi ? Tiens une femme, jeune mariée à en juger des traces de henné dans les pieds, elle se tient sur des talons aiguilles comme un apprenti clown sur échasses, ses cheveux balayés en blond, les racines d’un brun foncé, des bracelets en or l’empoignant comme des menottes,  je cherche le mari, il est ou ? Ah le voila il leur achète une bouteille d’eau, un visage commun, son chemisier bleu ciel lui dépasse d’une taille…

J’arrête d’observer les gens, ma tête cogne, c’est à cause de mon œil droit, j’ai mal à chaque clin, je dois changer mes lentilles à contact, oh merde c’est insupportable, s’il serait là il aurait couru chez l’opticien le plus proche m’en prendre d’autres – il me manque si mal, comme mon œil, à chaque battement à chaque clin.

Je vais rattraper mon bus, je n’ai pas vu le temps passer, que c’est idiot, je voulais justement « le » passer en dévisageant les passants, il a fallu passer et me devancer, bon assez dit, je prends le bus.

Là aussi rien à faire à part écrire, je me suis installée, j’ai bloqué le siège à coté de la fenêtre, j’ai pas envie d’avoir un curieux sur le dos, un homme dans la diagonale, plutôt pas mal, blond, yeux bleus trop mince pour être beau, j’ai horreur des hommes de tailles petites et minces, et des blonds aussi, devant, deux femmes d’âge moyenne, parlant sans cesse de leur maris de leurs filles, le discours typique, (trop de typique aujourd’hui – à quoi je m’attend bordel !!), oh maudit soit ce voyage les bavardises, l’homme mince à la jambe en plâtre (dès qu’il bouge il a l’air d’être sur le point de se briser en mille morceaux - du coup j’ai mal aux jambes !), et mon œil, et mon cœur.

Arrêtes de bégayer !!! Ça fait une demi-heure tu trouvais le voyage en bus très instructif, très « voyage »…. Je me dis. C’est vrai, fatiguant, mais le plaisir de voir défiler le paysage banal puis soudainement  impressionnant en vaut la peine. Cet après midi ce n’est pas un long voyage, une petite escapade qui s’annonce ennuyeuse….

Ah déjà la feuille quasi pleine, je vais pouvoir me régaler d’une « bonne lecture », je souris ça a l’air vachement  cocasse, une certaine tentative de répondre à la consigne qu’on voit souvent dans les exercices d’expression écrite « décrivez ce que vous voyez », un brouillon incohérent,  sans intérêt gribouillé sur une feuille froissée tirée du fond du sac, sur le support  mou qu’est ma cuisse, mais à mon bonheur je suis en voyage et je lis !!

Oh mes ongles sont terribles, cassés, jaunis, défigurés comment j’ai pu sortir comme ça (arrêtes tu t’en fous pas mal !!!) je m’offrirai une séance de pédicure dès que j’aurais les pieds sur terres. »

C’est fini l'été, l’automne nous envahit, pas celui de Tokyo ou New York, Tunis est déplaisant en automne, pas de feuilles d’érables rouges, pas de oiseaux, pas de balades en amoureux, que les insectes et les troubles coups de tête de Mr Climat.

 

Photo: Lee Miller Portrait of space

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