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La peur aux trousses

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Ce soir j’ai peur, j’écoute le fameux Yumejis’s theme, seule chez moi, il fait froid, c’est janvier.

 J’ai peur, j’ignore pourquoi j’ai peur, mais je pense à la peur elle-même, Dieu quelle force !

Bouleversante , envahissante, ravageant… la peur  dans son plus haut étage, pas celle que je sens ce soir, celle que seulement quelques moments de la vie peuvent en être marqués, une peur qui se sente dans l’air comme une odeur familière de sang pourri, des endroits humides, sombres et moisis, elle remonte brusquement des profondeurs de l’âme sans que la personne qui l’éprouve réalise qu’elle pue la peur, sans que le visage de cette personne reflète ce qu’elle endure.

Une odeur infecte, fétide qui remplit l’atmosphère, discrète presque inaperçue, mais d’une puissance affreuse. Rares sont les gens qui la captent mais une fois perçue, on ne peut pas l’ignorer.

C’est comme se trouver dans une foule, des personnes différentes mais ordinaires, des visages inconnus, atones, presque inexpressifs, on a l’impression subitement que quelqu’un est engourdi par la peur, souvent on ne peut pas l’identifier mais il est là, on ne se trompe pas, il pette la peur, il y’a cette odeur acerbe qui se faufile entre les corps pour atteindre nos sens, on ne cherche plus sa source, on est submergé par les mêmes sensations, un frisson parcoure le corps, une goutte de sueur froide coule au long du dos comme un serpent, des fourmis aux bouts des doigts, le coeur alourdi de sang s’écrase contre l’estomac, on veut pleurer ou courir, sa langue se noue, ses yeux se fixent sur un point de l’espace évitant de coincer les regards des autres, on se tient à peine debout perdant sa force et sa raison, toutefois, son visage reste calme.

Ceci ne dure que quelques secondes, on est immobile face à un instant si fragile, puis on reprend son souffle, on se demande où est ce qu’on était, on se rappelle sa peur, mais rarement de ce qui l’a provoqué.

Et l’odeur, quel odeur ?? On rigole, on se traite de paranoïaque, et on oublie.

Pourtant, on l’a senti, est-ce une sorte d’amnésie sélective ? Le cerveau supprime le message pour réduire la souffrance. Mais l’odeur et son origine, l’inconnu et sa peur bleue, on n’y pense plus, une fois débarrassé de ses émotions futiles on continu sa route, et derrière, la peur hante une personne dépourvue d’amnésie.

Je n’imagine pas ces choses, cela m’est arrivé à moi, c’était un après midi d’automne, j’ai arpenté par erreur une ruelle de la Médina de Tunis, une ruelle étroite qui serpente, on ne voit pas son débouché, j’ai poursuivi mon chemin sans me sentir égarée, ce n’est pas la première fois que j’engage une rue dont l’issue m’est inconnue, à la Médina on est toujours perdu, c’est ce qui fait sont charme, on fini toujours par se trouver sur un chemin familier, alors j’ai marché à pas tranquille, absorbée dans mes pensées,  la rue déserte ombrée, j’admirais les fenêtres en fer  forgé des étages, les portes fermées, sauf une, je l’ai remarqué au moment de baisser les yeux, elle était devant cette porte entrouverte, une femme menue, accroupie, reposant son visage sur une main, visage pâle mais serein, sa vue m’a un peu surpris, je commençais déjà à apprécier la rue dépeuplée, j’ai continué à marcher arrivant à son niveau, une brise d’air confiné et froid m’a frôlé la joue, mon cœur a sursauté comme un oiseau qui s’envole, du coin de l’œil j’ai rencontré ses yeux vides, rien en elle ne le montre, mais pour moi elle était la peur incarnée, et cette odeur sordide, convoque un souvenir d’enfance, un puits abandonné, une petite fille qui se penche, une masse d’air frais chargée d’une odeur inconnue et très répugnante souléve ses cheveux frisés, la vue d’un chien gonflé qui flotte à la surface d’une eau noire, c’était le jour où j’ai accordé à la mort une odeur, celle des cadavres en décomposition.

Cette femme aux yeux vides, m’a regardé et j’ai su qu’elle  a su que je savais qu’elle avait peur. J’ai accéléré le pas, mais sa peur m’a suivit, elle s’est approché de ma nuque, et m’a léché la peau, et j’ai vécu ce moment bref et tranchant, mon cerveau ne m’a pas épargné ce supplice.

Je n’oserai jamais repasser par cette rue, mais la peur n’habite pas là bas elle me coincera un jour dans l’endroit où je m’attendrai le moins, et elle me montrera ce dont elle est capable de faire.

Saurai-je la regarder plein dans les yeux ??

Oh Dame peur !! Vous ouvrez l’enfer devant nos yeux !

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